Derrière une foule de passage, une première ligne de précaires »


[Qui sont réellement les microtravailleurs français ? Pauline Barraud de Lagerie est maîtresse de conférences en sociologie à l’université Paris-Dauphine-PSL et membre de l’Institut de recherche interdisciplinaire en sciences sociales (Irisso, UMR CNRS-Inrae). Ses recherches portent principalement sur les entreprises multinationales et la régulation de leurs chaînes d’approvisionnement. Julien Gros est chargé de recherche au CNRS, affilié au Laboratoire interdisciplinaire solidarités, sociétés, territoires (Lisst, UMR université de Toulouse Jean-Jaurès-CNRS-Ehess-Ensfea-Institut national universitaire Champollion). Ses recherches portent principalement sur la stratification de l’emploi en France, plus précisément de l’emploi indépendant, et sur sa quantification par la statistique publique. Luc Sigalo Santos est maître de conférences en science politique à Aix-Marseille-Université, chercheur au Laboratoire d’économie et de sociologie du travail (LEST, UMR AMU-CNRS) et associé au laboratoire Triangle (Lyon). Outre ses travaux sur le crowdworking, ses recherches, qui articulent sociologies de l’action publique et du travail, portent sur l’encadrement institutionnel des parcours professionnels.]

Développé par des plates-formes numériques faisant office d’intermédiaire, le « crowdsourcing » de microtâches, aussi appelé « crowdworking », consiste à découper la mission d’une entreprise donneuse d’ordre en petites tâches et à en confier l’exécution à une foule de « microtravailleurs » en ligne (« crowdworkers »).

C’est ainsi que des entreprises peuvent sous-traiter à des internautes, rémunérés chacun quelques centimes, de vastes projets de traitement de données décomposées en microtâches (identification d’image, recherches Internet, sondages, etc.). Auprès des entreprises clientes, les plates-formes de crowdworking mettent en avant la possibilité de faire réaliser à moindre coût des tâches chronophages et rébarbatives qui, sans cela, risqueraient d’épuiser leurs équipes.

Aux microtravailleurs, les plates-formes promettent un complément de revenu ludique, accessible à tout le monde et à toute heure, au seul moyen d’un accès à internet : plutôt que de jouer au Solitaire ou de flâner sur Internet, ces derniers sont invités à mettre à profit un peu de leur temps en échange d’une petite compensation financière. Comme le résume un juriste américain, « chaque salle d’attente et chaque arrêt de bus deviennent un espace temporaire de travail » (Alek Felstiner, 2011, page 155).

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